
On a tout dit, ou presque, sur les raisons d’une réforme électorale. Elles sont essentiellement politiques, juridiques, voire sociologiques. Mais il existe aussi des raisons économiques qui justifient l’abandon du communalisme institutionnalisé dans le système électoral au profit d’un gouvernement stable. Personne ne se demande ce que gagnera notre économie. Or si nos partis politiques ne sont jamais aussi proches d’un consensus sur la réforme électorale, il importe que celui-ci ne s’obtienne pas au péril de la vie économique du pays.
Pour la bonne santé de l’économie, la stabilité d’un gouvernement est bien plus importante que la représentativité de l’Assemblée nationale. Il faut d’abord un gouvernement qui ait la majorité parlementaire suffisante pour gouverner dans la sérénité, plutôt qu’un gouvernement faible, craintif et indécis. Ensuite, qu’un tiers des parlementaires soient des femmes ou des hommes, qu’il existe assez, ou pas, d’élus blancs, noirs ou bruns, l’essentiel est que la population soit représentée par des gens compétents, capables de faire progresser le pays. On ne peut sans doute pas faire abstraction de la diversité de notre nation arc-en-ciel, mais la représentation politique, quand elle devient obsessionnelle, nous entraîne dans des inhibitions émotives et intellectuelles. Propos d’idéaliste ? Non, il y a dissonance entre la politique et l’économique.
Pendant que les mentalités évoluent dans la communauté des affaires, la classe politique reste empêtrée dans ses basses considérations ethno-communales. De la petite entreprise au grand groupe économique, on fait de plus en plus appel aux plus compétents et aux plus méritants afin d’être performant. Tout entrepreneur sait que, pour réussir, il ne saurait regarder ce monde très compétitif à travers le prisme déformé du politicien. Notre économie serait dans une meilleure situation si ce dernier prenait de la hauteur. Mais nos hommes politiques ne mûrissent pas aussi rapidement que nos entrepreneurs. Entre eux s’est créée une sorte de schizophrénie, qui se traduit par un dialogue de sourds sur les problèmes économiques.
Pour le dirigeant politique, le nombre de députés pour les besoins de la représentation proportionnelle n’a pas de prix même si le coût des allocations et des pensions parlementaires a un impact conséquent sur la dette publique. Pour le chef d’entreprise, chaque dépense supplémentaire est évaluée au rendement qu’elle génère. Pour le dirigeant politique, les quotas sont une méthode de sélection pour une investiture électorale ou ministérielle. Pour le chef d’entreprise, ce sont les qualifications qui comptent pour faire partie de la direction. Ce sont certes deux mondes différents, mais cela n’empêche pas qu’ils visent le même résultat, celui de créer de la valeur pour la société.
La création de valeur en matière de politique publique passe par des réformes économiques, d’où la nécessité d’avoir un gouvernement fort et stable. La destruction de valeur, elle, est causée par des gaspillages de fonds publics, par le financement des entreprises étatiques déficitaires ou par la corruption dans l’octroi des marchés publics.
L’économie exige de nos gouvernants une gestion rigoureuse des affaires et une image d’exemplarité et d’intégrité. Qu’ils ne dispersent pas leurs énergies dans de vaines querelles susceptibles de distraire la population face aux grands défis économiques. La réforme électorale ne doit pas être une fin en soi, mais un moyen pour améliorer la vie des citoyens.
Par Eric Ng Ping Cheun, Managing Director PluriConseil