Comment sauver les petites entreprises dans leurs premières années d’existence ?

La survie des jeunes entreprises est un sujet primordial dans un pays qui enregistre un taux de pauvreté autour de 46% ; où le secteur informel occupe l’essentiel de l’économie ; et où la jeunesse s’oriente désespérément vers les emplois publics à la recherche d’une illusoire sécurité. Dans un tel contexte, le secteur privé étant le vecteur le plus solide d’un développement sain, la création d’entreprises est cruciale pour l’économie. Alors que le gouvernement a fait de nombreux efforts pour favoriser la création d’entreprises, s’intéresser à leur survie est désormais une nouvelle étape fondamentale pour consolider le dispositif. Le sujet devient encore plus important dans la crise sanitaire mondiale actuelle liée à la COVID 19, qui impacte fortement le tissu économique des pays mais singulièrement les plus pauvres d’entre eux. La résilience reposera alors plus que jamais sur un secteur privé capable de générer des revenus.

L’étude permet de mieux cerner les difficultés rencontrées par les jeunes PME et startups en Côte d’Ivoire, de faire des propositions aux autorités sur les voies et moyens d’amélioration de l’environnement des affaires en Côte d’Ivoire et aux jeunes entrepreneurs d’avoir une meilleure compréhension des atouts et poids culturels afin d’ajuster leur comportement et leur manière de concevoir leur projet entrepreneurial.

Cette étude a pour but de fournir des recommandations contextualisées et ciblées pour soutenir les petites entreprises dans leurs premières années d’existence à partir d’informations actualisées sur l’écosystème entrepreneurial ivoirien et les principales difficultés auxquelles les petites et moyennes entreprises (PME) sont confrontées pendant leurs premières années d’existence. Nous tentons de répondre à cette question cruciale : Comment sauver les petites entreprises dans leurs premières années d’existence ?

 

I. LES POINTS FORTS DE L’ÉTUDE

Quels sont les véritables problème par les entrepreneurs débutants ?

1. Quel est le poids de l'environnement interne ?

Les problèmes de l’environnement interne de l’entrepreneur sont principalement de deux (2) ordres : 

1.1. Quels sont les impacts des problèmes liés à la formation et aux compétences ? 

Il ressort de nos résultats de nombreuses contraintes liées aux connaissances et aux capacités de gestion de l’entrepreneur. Ce sont principalement :  

► L’absence de compétence en gestion et en management des talents est l’une des difficultés les plus citées par les entrepreneurs. C’est une problématique majeure de la gestion au quotidien de leur activité.

► Le déficit de connaissance en gestion financière : comme le déficit en gestion des équipes. C’est une contrainte qui, très souvent, justifie l’incapacité d’un business à trouver du financement, car ces entreprises manquent de base financière et de transparence de la gestion de leurs ressources.

►  La mauvaise conception de la politique marketing et commerciale : la tarification, le ciblage, la détermination des marges, la définition des délais de paiement des fournisseurs et des clients sont autant de questions qui peuvent très vite devenir des limites à la pérennité du business si le porteur de projet ne possède pas un minimum de connaissances sur ces sujets.

► Le manque de structuration de l’entreprise : c’est un problème que l’on rencontre dans la plupart des entités de petite taille. A ce niveau, les entreprises ne disposent pas d’outils de planification, d’exécution et de contrôle des tâches. Chaque membre de l’équipe essaie de contribuer dans la mesure du possible et le porteur du projet est l’homme à tout faire « au point où l’entreprise a dû mal à fonctionner en mon absence  » expliquait un entrepreneur. 

► Le choix des associés, il revient de façon récurrente des cas de dissolution d’entreprise pour divergence de visions des associés et pour incompatibilité de ces derniers sur plusieurs sujets. Ainsi le manque de projection doublé d’un manque d’objectivité dans le choix des associés peut également constituer un frein au développement de la PME.

► Le manque de connaissance du secteur d’activité choisi : ceci est souvent lié aux objectifs et à la vision de l’entrepreneur. En effet c’est l’absence de maitrise du secteur qui souvent empêche l’entrepreneur d’envisager un développement de son business et de profiter d’une économie d’échelle. 

► L’absence d’accompagnement dans la gestion de l’entreprise :  de nombreux entrepreneurs débutants ont relevé que la gestion de leur entreprise, sous toutes ces formes, constitue l’une des difficultés majeures qu’ils rencontrent. Ils sont pourtant très peu nombreux à envisager de renforcer leurs capacités ou de se faire accompagner par des structures de conseil en gestion. C’est ce que relevait un entrepreneur lorsqu’il disait « Il faut qu’on fasse comprendre à nos jeunes frères qu’on peut avoir une idée exceptionnelle et ne pas être la bonne personne ou ne pas avoir les qualités pour la développer. Gérer et développer une entreprise peut nécessiter des capacités et des compétences qui ne sont pas à la disposition de tous. Mais il faut le comprendre et accepter de se faire accompagner ». 

 

1.2. Quels sont les impacts des problèmes liés à la culture de l’entrepreneuriat et de l’innovation ? 

Les Ivoiriens étaient relativement désintéressés par l’entrepreneuriat, cela provient des raisons historiques comme le succès obtenu dans la production et l’exportation des cultures de rentes pendant plusieurs années, le développement exponentiel du secteur public et les prodigalités dont il faisait preuve à l'endroit de son personnel. Ainsi, dans l’esprit de nombreux Ivoiriens le statut de fonctionnaire s’était érigé en idéal balayant les aspirations à l’entreprenariat durant de nombreuses années.

Cependant, il ressort de notre analyse de l’environnement actuel et de nos rencontres avec les différentes structures de tutelle que la culture d’entrepreneuriat a connu de façon générale une nette amélioration au cours de la dernière décennie. Il faut toutefois noter que cette amélioration n’est pas uniforme. En effet, en dehors de quelques groupes ethniques, dits peuples de commerçants, chez qui la construction la culture entrepreneuriale se fait dans la famille, la culture entrepreneuriale des enquêtés dans leur grande majorité provient de leurs connaissances personnelles ou de formation théorique pour les plus chanceux.

2. Quel est le poids de l’environnement externe ? 

Au-delà des difficultés que peuvent rencontrer les entrepreneurs débutants à leur niveau personnel, les contraintes et obstacles vis-à-vis de l’environnement constituent les barrières les plus importantes à leur survie.

2.1. Quels sont les obstacles liés à l’Etat et ses administrations ? 

La pression fiscale en Côte d’Ivoire s’établissait à 12,5% en 2020 selon la Direction générale des impôts, soit une chute de plus 4% par rapport à 2019. Ce taux est en dessous de la norme communautaire fixée par l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) qui est de 20%. En plus de cette baisse de la pression fiscale, l’on peut souligner l’adoption d’une nouvelle annexe fiscale qui reforme la fiscalité des PME. Cependant, il semblerait que la confiance entre les entrepreneurs débutants et autres acteurs de l’informel et l’administration prise dans son ensemble ait été rompue. Il ressort de notre enquêtes qu’il y a une réelle méfiance entre ces différents acteurs parce que les efforts de l’État semblent orienter vers un élargissement de l’assiette fiscale plutôt qu’un encadrement ou un accompagnement du processus de croissance des jeunes entreprises. Ci-dessous les principales difficultés rencontrées par les entrepreneurs avec l’Etat et ses démembrements :

● Le poids de la fiscalité, de la parafiscalité et des formalités

La charge fiscale est jugée trop importante par les entrepreneurs débutants et considérée comme une des contraintes majeures à leur développement. D’une part la fiscalité des entrepreneurs débutants telle que définie aujourd’hui n’encourage pas la pérennité ou l’essor des PME, au contraire elle les étouffe et les maintient dans l’informel. En effet, il n’existe pas en Côte d’Ivoire de mécanisme officiel d’exonération générale pour les entrepreneurs débutants qui se retrouvent très vite submergés par les charges fiscales, parafiscales et autres redevances des services car « Dès que tu crées et que tu mets une pancarte, ils viennent  » nous confiait un entrepreneur. Cette situation additionnée au manque de transparence dans le recouvrement des obligations rend les entrepreneurs vulnérables face aux agents et certains d’entre eux sont bien obligés de retourner dans l’informel. C’est le cas notamment d’un entre eux qui affirmait « J’ai arrêté et je suis retourné dans l’informel et depuis lors je travaille sans pression fiscale. » 

D’autre part, la lenteur et la mauvaise qualité des services dans les administrations constituent l’argument du refus de certains acteurs de passer à l’économie formelle. Car dans certains secteurs d’activité comme le tourisme et l’hôtellerie le poids des redevances, de la règlementation et la lourdeur des formalités ne sont pas en faveur des PME et des entrepreneurs débutants et constituent un frein à leur développement. C’est ce que soulignait cet entrepreneur en ces termes : « avant, il y a 3 ans de cela, on disait que la Côte d’Ivoire était l’un des meilleurs pays dans les affaires, on pouvait créer une entreprise en 24h mais maintenant, tout le monde est unanime sur le fait que les gens sont lents à la CEPICI et dans les ministères pour prendre un simple rendez-vous, ils vont te dire dans 2 mois et là c’est quand tu as un peu de chance. »  cette situation peut conduire dans certains cas à la corruption, c’est justement ce qu’affirmait cet autre enquêté : « Toujours les mêmes choses, on te fait patienter jusqu’à et ce n’est même pas évident qu’on règle ton problème. Si tu es pressé, tu es obligé de glisser quelque chose pour qu’on puisse s’occuper de toi. ».

● L’absence de transparence dans le recouvrement et le poids de la corruption 

La Côte d’Ivoire occupe la 104è place sur les 180 économies du classement de l’index de la perception la de corruption réalisée par l’organisation Transparency international avec un score de 36/100. Les chiffres de la Côte d’Ivoire montrent bien une avancée de la corruption dans les administrations. Cette situation est le résultat du manque de transparence et d’outil de contrôle. Ainsi des agents véreux se servent de cette situation doublée souvent de l’ignorance des entrepreneurs pour leur soutirer des sommes dont la majeure partie ne rentrera pas dans les caisses de l’Etat. A titre d’exemple « Dans la commune de Cocody, pour qu’un woroworo puisse démarrer son activité, tu dois payer 150.000 or quand tu as le reçu, tu vois de petites sommes de 32 500 . », affirmait un enquêté. La corruption constitue donc une grave entrave à, l’économie ivoirienne toute entière et est un obstacle majeur à la survie des jeunes entreprises.

● Le manque de communication et l’indisponibilité de l’information 

Nos enquêtés ont également souligné des anomalies dans la communication et l’accès à la bonne information. En effet les deux points majeurs ci-dessous ressortent :

Le manque de communication sur les offres et services de l’administration en faveur des entrepreneurs. Il n’existe pas de site ou d’agence de l’Etat pouvant donner les avantages que l’Etat accorde aux PME naissantes. Au contraire, « l’encouragement à la création d’entreprise formelle n’est orienté que par l’élargissement de l’assiette fiscale.  » soulignait un chef d’entreprise que nous avons rencontré à l’intérieur du pays.

Le manque de communication sur les obligations fiscale et parafiscale des PME : il est important que ces informations soient disponibles et accessibles à tous afin d’éviter toute sorte d’interprétation et d’éviter aux entrepreneurs de faire des choix sur la base d’information erronée.

● L’incohérence de la politique de promotion des PME en Côte d’Ivoire  

En 2014, une loi d’orientation avait été adoptée par le Parlement pour renforcer le cadre juridique et légal des PME. Cette loi précédait le programme Phoenix conçu pour le développement des PME sur la période 2015 – 2020. Ce programme était doté d’un montant d’environ F CFA 96 milliards. Cependant, au regard de la situation actuelle de l’écosystème, l’on se demande si les PME ont réellement tiré profit de ces actions ?

Il ressort de nombreuses incohérences dans la stratégie de promotion des PME de l’Etat : 

Des irrégularités constatées dans le paiement de la dette intérieure, la dette due aux PME et autres entreprises locales. En effet, la quasi-totalité des termes de référence des marchés de l’Etat mentionne un paiement à 90 jours fin du mois. Cependant il n’est pas rare de constater qu’il existe de nombreuses jeunes entreprises avec des stocks de dettes publiques de plus de 360 jours . C’est d’ailleurs ce que faisait remarquer cet entrepreneur : « Ça fait deux années qu’on ne me paie pas quand je fais des livraisons. Normalement on dit l’Etat paie après 90 jours mais ça prend des années . » Ainsi, le paiement effectif de la dette intérieure est loin d’être ordinaire et relève malheureusement de mesures exceptionnelles.

Le second point concerne le manque de clarté dans la stratégie de promotion des PME dû à l’indisponibilité de données exhaustives à jour sur les PME ivoiriennes, et un manque de suivi et évaluation de l’impact réel des différents programmes de soutien d’accompagnement initiés par l’Etat. Il est difficile de définir une stratégie globale pour venir à bout d’un problème que l’on ne connait pas. Il faut également souligner que le nombre élevé des acteurs publics intervenant dans l’écosystème et le manque de coordination entre ces derniers atténuent l’action de l’Etat et créent la confusion dans la tête des entrepreneurs. Le bilan en est déplorable, après tous les efforts engagés : les entreprises souffrent d’un manque d’appui cohérent et conséquent de la part de l’Etat. C’est certainement ce constat qui a entrainé la création de l’agence Côte d’Ivoire PME, cependant ses actions restent très concentrées sur Abidjan et ne touchent qu’une poignée d’entrepreneurs.

Le dernier point concerne l’absence de module sur la construction de la culture entrepreneuriale dans le système éducatif ivoirien. En effet l’entrepreneuriat n’est enseigné à aucun niveau du parcours scolaire des étudiants. En conséquence nous avons dans l’écosystème de nombreux entrepreneurs sans aucune culture entrepreneuriale et compétence managériale pour gérer une entreprise.

● Le manque de contextualisation des solutions entrepreneuriales :  

Les entrepreneurs déplorent également la mise de place de nombreux programmes non adaptés au contexte ivoirien et portés sur la théorie. L’Etat mène donc de nombreuses actions mais sans contextualisation et adaptation des mesures aux réalités locales ces actions seront toujours sans résultats probants, sauf si les agences les déploient juste pour « cocher des cases ». Par exemple, le manque de pratique dans les programmes de l’Etat est souligné par cet entrepreneur qui nous confiait :« J’ai fait une formation en communication digitale marketing avec l’une des agences de l’Etat et ça a été une mauvaise expérience parce que ce n’était que de la théorie…La formation qui devrait se tenir sur 2 semaines a été stoppée au bout d’une semaine sans qu’on achève le programme  ». Cependant les primes de transport ont été payées et des certificats de formation ont été distribués. Cette situation traduit clairement que les actions de l’Etat souffrent de suivi et d’évaluation.

2.2. Les jeunes entreprises ont-elles accès aux marchés publics ? 

L’accès difficile aux marchés publics des jeunes et petites entreprises s’expliquerait par deux principaux facteurs :  

Commençons d’abord par la concurrence déloyale faite par les grandes entreprises nationales comme étrangères. En effet, les PME et les jeunes entreprises sont moins outillées que les grandes pour la gestion de projet d’envergure. Les marchés publics sont donc naturellement attribués à des multinationales. C’est pourquoi un chef d’entreprise nous disait qu’« il faut segmenter le marché afin de donner plus de chance aux petites entreprises  ». C’est donc pour venir à bout de cette irrégularité que l’Etat ivoirien a décidé d’attribuer au moins 30% des marchés publics aux PME, cependant, à la fin de l’année 2020, la part des PME dans les marchés publics était largement en dessous de cet objectif. Et quand bien même elles auraient accès aux marchés publics, elles sont malheureusement victime du non-paiement de la dette intérieure par l’Etat – ne peuvent pas compter sur un paiement dans les délais prévus (90 jours maximum) – ce qui est décisif pour le financement de leur fonctionnement et de leur expansion comme nous l’avons rappelé plus haut.

D’autre part à propos des conditions d’attribution, il faut souligner le manque de transparence dans l’attribution des marchés publics et la complaisance coupable. En effet il est ressorti de nos entretiens qu’il existe encore des conflits d’intérêt entre les organisateurs des appels d’offre des marchés publics et les sociétés qui les remportent, c’est ce que l’on qualifie de capitalisme de connivence.  Selon l’un de nos interlocuteurs cela serait même à la base de certaines faillites car, « de nombreuses entreprises sont créées juste pour répondre à des appels d’offres parce qu’ils sont proches des autorités et lorsque ces proches quittent leurs postes ces entreprises que l’on peut qualifier de fictives sont bien obligées de fermer.  »

Nos enquêtés ont également souligné le défaut de paiement des clients et la difficile collaboration avec certains fournisseurs et les prestataires externes comme une barrière de l’environnement que devrait considérer les jeunes entreprises. En effet ce point peut-être relier au manque de compétence managériale et de ressources, car l’absence ou le non-respect de délais de paiement clients ou fournisseurs et des termes d’un contrat peuvent entrainer d’importantes tensions sur la trésorerie de l’entreprise et entrainer sa faillite.

2.3. Comment l’entrepreneur débutant gère-t-il son problème de financement ? 

L’accès aux financements vient en tête de liste lorsque l’on demande à un entrepreneur les difficultés qu’il rencontre. En effet l’accès au crédit fait partie des problèmes majeurs de l’écosystème entrepreneurial ivoirien. Selon les enquêtés cela se traduit par les quatre points ci-dessous :

Inadaptation des produits financiers aux acteurs de l’environnement, les conditions et les exigences des structures financières classiques restent hors de portée de nombreux entrepreneurs. En raison de leur petite taille, du manque de clarté dans leurs comptes et de l’irrégularité de leurs revenus, de nombreuses PME sont contraintes de fonctionner sans jamais recourir aux financements extérieurs.

Les institutions alternatives comme les microcrédits et autres équivalents accordent bien plus de crédit cependant il leur est reproché d’avoir des délais de remboursement assez courts et avec des taux d’intérêt trop élevés.

Le dispositif actuel d’aide financière de l’Etat n’est pas adapté, car il étouffe les entrepreneurs au lieu de les aider. C’est le cas de cet entrepreneur qui a bénéficié d’un prêt à un taux de 10% remboursable dès le mois suivant grâce à un partenariat entre de l’agence emploi jeune et l’Union Nationale des Coopératives d’Epargne et de Crédit de Côte d’Ivoire (UNACOOPEC-CI) qui est une Institution de microfinance à caractère mutualiste. 

Pour un entrepreneur débutant de telles conditions ne sont pas supportables car, pense-t-il finalement « Je travaille plus pour rembourser leur prêt que pour développer mon entreprise  ». 

 

2.4. Quelles sont les autres entraves à la survie des petites entreprises ivoiriennes ? 

En plus des points déjà évoqués plus haut, nous pourrons rajouter, les contraintes suivantes :

● Difficulté à trouver du personnel qualifié et motivé : C’est connu, il est quasi impossible pour une PME naissante de recruter des employés avec de l’expérience ou des masters sortis des meilleures écoles, faute de ressources financières. Elles sont malheureusement obligées de se tourner vers du personnel moins qualifié et sans expérience professionnelle. Compte tenu de l’importance et de l’impact que peut avoir un personnel qualifié et motivé dans le développement d’une entreprise, il est évident que ce facteur peut être un frein à l’essor d’une PME.   

● Absence d’organisations patronales ou fédérales suffisamment puissante et acceptée par un grand nombre d’entrepreneurs est aussi un problème. De plus, les entrepreneurs ressentent une certaine réticence sur la gestion et la capacité de ces faitières à trouver de réelles solutions à leur problème, même si certains reconnaissent qu’il est important d’appartenir à une fédération à cause des opportunités de partage d’expériences et des appuis techniques dont ils peuvent bénéficier. Cependant le manque de communication, de transparence et de visibilité sur les actions de ces dernières dissuade la plupart d’entre eux de s’y engager. A ce propos un dirigeant de PME affirmait « Je ne vois pas véritablement ce qu’elles font pour aider les petites entreprises à émerger  ». Cette situation doublée du foisonnement des associations ou groupements aux objectifs aussi divers que multiples fragilise leurs actions et entraine un manque de concertation et de synergie avec les autorités.

● Manque de pratique dans les formations des acteurs d’accompagnement : aujourd’hui il existe de nombreux centres de formation et d’encadrement mais ces formations sont très souvent exclusivement théoriques, alors que celles-ci devraient coupler à un accompagnement et une application pratique dans leur entreprise.

● Mauvaise perception et utilisation du business plan (BP), en effet le BP est un outil de pilotage de l’entreprise dans lequel l’on définit la vision, les principaux objectifs ainsi les voies et moyens d’atteindre ces objectifs. C’est un document important et très utile lorsqu’il est correctement conçu. Alors que dans le contexte ivoirien, de nombreux entrepreneurs rédigent ou font rédiger leur BP sans tenir compte du contexte et des données réelles. Conséquence ils mettent d’importantes ressources et assez d’énergie dans l’élaboration d’un BP qui ne leur servira pas ou peu. Cette situation traduit une absence réelle de données fiables et accessible pour faire des projections. A ce jour la Côte d’Ivoire ne dispose pas de banque de données ou de site où les entrepreneurs peuvent trouver des chiffres actualisés de leur secteur pour la conception d’un business plan plus contextualisé, plus actualisé et plus adapté.

 

Comment sauver les petites entreprises dans leurs premières années? 

1. Que proposent les entrepreneurs ?

1.1. Leurs recommandations à l’endroit de l’Etat ?

● Une meilleure adaptation des politiques et des critères de classification en fonction de la réalité ivoirienne. En effet, avec l’avènement de la COVID-19, l’Etat ivoirien a mis des fonds de soutien au secteur privé, dont les PME. FS PME est estimé de F CFA 100 milliards entièrement consacrés aux petites et moyennes entreprises qui remplissent certains critères. Cependant les entrepreneurs jugent les critères trop élevés et non adaptés aux réalités des PME ivoiriennes, c’est pourquoi « jusqu’à ce jour l’Etat n’a pas pu distribuer 50% de ce fonds  » à souligner un entrepreneur et à un autre de rajouter « l’Etat a les moyens de financer les entrepreneurs mais les mécanismes sont tels que les entrepreneurs n’ont pas accès aux financements, il faut réduire ou adapter les contraintes et les conditions de financement  »

● Les structures et les organisations de tutelle devraient servir de garanties pour les entrepreneurs auprès des banques ; 

● Insérer la promotion de la culture entrepreneuriale plus tôt dans le cursus scolaire : Avec un accent particulier sur les secteurs de prédilection de l’Etat. La promotion de la transformation de nos produits localement est un objectif que s’est fixé l’Etat ivoirien, mais jusqu’à ce jour aucun procédé aucune méthode ou technique de transformation du café, du cacao ou encore des autres cultures n’est enseigné dans nos écoles. Le projet d’établissement de lycée de formation professionnelle aux métiers de l’agriculture, des ressources animales et halieutiques est un bel exemple, cependant il faut généraliser une approche d’une école qui forme des jeunes pour répondre aux besoins et aux problèmes de notre économie.  

● Faciliter la communication entre le monde universitaire et les acteurs du développement de l’industrie locale. L’échange de compétences entre ces deux mondes permettra au système éducatif de mettre à la disposition de l’économie un capital humain mieux formé et avec des compétences plus adaptées aux besoins des entreprises locales.

● Créer un réseau de structures d’accompagnement et renforcer les capacités des structures existantes une PME qui se créée a besoin d’accompagnement et d’encadrement de qualité. C’est pourquoi nous recommandons la mise en place d’un réseau de structures d’accompagnement outillées capables d’apprécier les problèmes des PME.

● Communiquer et rendre accessibles toutes les informationssur les actions, les offres, les opportunités et les obligations de tous les acteurs. Nos entretiens avec les structures de tutelle ont relevé qu’il existe de nombreuses opportunités d’accompagnement et de formation dont les entrepreneurs rencontrés n’avaient pas connaissance. Une centralisation de toutes les actions en faveur des PME et les startups dans une même structure est souhaitable de manière à les rendre disponible pour tous afin d’éviter une dispersion de l’action d’Etat. .

● Mettre l’accent sur la lutte contre la corruption dans l’environnement entrepreneurial : une meilleure communication, une mise à disposition sur des plateformes en ligne des agences de l’Etat des informations relatives aux droits et obligations des entreprises et la création d’un numéro vert pour dénoncer les acteurs de corruption pourront aider dans ce sens.

● La politique de promotion de l’Etat ne doit cibler les seules recettes fiscales mais doit aussi mener des actions de protection de soutien aux entrepreneurs débutants afin d’aider ces derniers à franchir le cap des premières années d’existence ;

● Instaurer une plus grande ouverture dans l’attribution des marchés : Il faut faire des recherches sur l’actionnariat, l’expertise et les expériences précédentes des entreprises qui souscrivent aux appels d’offres afin d’éviter les conflits d’intérêt.

● Le paiement de la dette intérieure ne doit pas faire l’objet de mesures exceptionnelles : Tout comme l’accès au financement, ce point constitue un sujet très sensible pour les entrepreneurs ivoiriens qui, malgré l’absence de paiement, sont obligés de continuer leurs prestations années après années. Pour plus de cohérence dans l’action de l’Etat, des actions concrètes doivent être mises en œuvre par l’Etat en vue d’un paiement de ces dettes déjà échues. D’autant que selon la législation sur les dettes commerciales,la prescription est quadriennale, ce qui veut dire que si une dette n’est pas encaissée après 4 années, elle devient inexigible. Il faudrait élaborer un plan de suivi et des échéances de paiement dans les délais règlementaires, c’est-à-dire dans les 90 jours à défaut l’Etat pourrait étudier des pistes de compensations avec des avantages fiscaux. En cas d’adoption d’un mécanisme de compensation, nous recommandons d’une part la constitution d’une balance âgée nationale de la dette intérieure (un site en ligne) sur laquelle tous ceux à qui l’Etat doit de l’argent pourrait s’enregistrer en mentionnant leur échéance et, d’autre part, la mise en place d’un numéro VERT et d’une plateforme en ligne pour signaler le passage du délai et basculer dans les compensations sur simple requête avec formulaire. Les fédérations et autres organisations patronales devraient veiller au respect des délais de règlement de la dette intérieure. 

● Créer une structure d’accompagnement et d’encadrement des entrepreneurs ivoiriens dans leurs conquêtes de marché hors de la Côte d’Ivoire :la population ivoirienne est estimée à plus de 26 millions, c’est donc un petit marché. Pour permettre à ses PME d’atteindre des tailles critiques, l’Etat ivoirien gagnerait à définir une stratégie plus élaborée en vue d’accompagner ses PME à la conquête des marchés Ouest africains et africains. Par exemple l’Etat pourrait envisager des partenariats entre l’agence en charge de la coordination de l’action de l’Etat et le bureau des intérêts économiques du ministère des affaires étrangères.

1.2. Leurs recommandations à l’endroit d’eux-mêmes ?

● Renforcer leurs capacités managériales: le déficit de compétence en gestion des dirigeants de PME constitue l’un des principaux freins au développement des PME. Il est donc impératif pour ces derniers de se faire accompagner dans ce sens afin de donner plus de chance à leur entreprise. 

● Approfondir des connaissances des secteurs d’activité : une maitrise du secteur d’activité choisi permet à l’entrepreneur de se construire un avantage concurrentiel par la définition d’une meilleure stratégie et une projection ;

● Recourir à des structures de conseil en gestion ou des Centres Agréés de Gestion : nous relevons que les entrepreneurs ayant eu recours à une structure de gestion et d’accompagnement disent avoir eu moins de difficultés au cours de leurs premières années.  

● Accepter de commencer petit en développant l’entreprise au fur et à mesure du renforcement des capacités managériales et de l’expérience entrepreneuriale du porteur de projet ;

● Sélectionner minutieusement les associés les associés, s’ils ne sont pas choisis avec objectivité, constituent souvent la source de dissolution de nombreuse PME. Il faut convenir et réviser les objectifs individuels et la vision globale de chacun des associés avant la signature d’un projet d’association. 

● Mettre l’accent sur la qualité des produits et services :au-delà de toutes ces recommandations, il est important de souligner que si l’entreprise ne produit pas de la qualité il sera difficile d’assurer sa pérennité. Il faut saisir des opportunités d’apporter des solutions à des problématiques réelles des populations. Plus la solution est impactante, plus elle répond à un besoin, plus il sera possible de la fructifier, de la développer, de l’améliorer et derrière d’avoir des clients sur la durée. 

1.3. Leurs recommandations à l’endroit des autres acteurs de l’écosystème ?

● La question de l’accès au financement un engagement plus accru des acteurs financiers prenant le problème du financement des PME en amont. En effet le manque de structuration (business modèle), de transparence dans la gestion des PME, le déficit de capacité managériale de leurs dirigeants et l’irrégularité des revenus constituent les principaux motifs de refus de financement aux PME. Il est donc très clair que les PME ont plus besoin d’accompagnement que de financement.  Afin de permettre à un nombre plus important de PME d’avoir accès au financement, il est impératif pour le monde de la finance, avec l’appui du Centre de Promotion de l’Investissement en Côte d’Ivoire (CEPICI), d’investir massivement dans l’activité d’encadrement et d’accompagnement des PME dès leur création jusqu’à ce qu’elles deviennent autonomes. 

● Redonner une place plus importante aux associations et fédérations d’entrepreneurs : il est reproché aux associations et fédérations de ne pas suffisamment communiquer sur leurs activités et leurs missions, de manquer de transparence dans leur fonctionnement et de ne pas être associées à la définition de la politique publique de promotion des PME. Une prise en compte de ces critiques doublées d’une participation plus accrue au processus de décision politique pourrait leur redonner la place qui est la leur et améliorer la perception des entrepreneurs, c’est-à-dire un cadre de défense de leurs intérêts, d’échange et de partage d’expérience entre les jeunes entreprises et les plus établies.

● Rendre les incubateurs plus accessibles et mettre l’accent sur la pratique :L’écosystème ivoirien a vu l’arrivée de nombreuses structures d’incubation, cependant il leur est reproché de manquer de pratique et de ne s’orienter que vers des entités du secteur de la technologie. Il faudrait corriger cette confusion dans la compréhension et la promotion du concept Start-ups. En effet, ce ne sont pas que des entreprises technologiques, mais des entreprises utiles, innovantes et de tous les domaines qui s’appuient sur la technologie. Les incubateurs devraient adapter leurs offres en tenant compte de cette approche.

2. Quels modèles de réussites pourraient inspirer la Côte d’Ivoire ? 

2.1. Le Jugaad indien 

Le système classique du low-cost dont le fondement est de chercher à faire, avant tout moins cher conduit à de nombreux effets pervers tels que le dumping social et la désinformation du consommateur. Pour pallier ces heurts, certains pays émergents ont développé une nouvelle approche du management low-cost : le management frugal. Ce modèle, encore appelé "Jugaad", est originaire de l’Inde. Dans le dialecte local, il est synonyme de créativité ou encore de réparation ingénieuse. Cependant, en tant que technique managériale il souligne la possibilité de "faire plus avec moins" tout en conservant la qualité du produit et de la prestation, malgré la baisse réelle du coût. Le Jugaad est avant tout basé sur l’innovation et est beaucoup plus complet que le modèle classique car il intègre une approche responsable. (Extrait de l’ouvrage JUGAAD INNOVATION_low-cost-management-frugal)

Selon Navi Radjou et ses co-auteurs dans Comprendre l’innovation frugale le diptyque, le Jugaad est devenu aujourd’hui un enjeu pour toutes les économies. D’abord parce qu’il a une approche structurée de l’innovation avec les caractéristiques et il vient résoudre les problèmes de gros budgets, des processus opérationnels normalisés, et un accès à la connaissance contrôlé qui aboutissent à des produits lancés trop tardivement, trop uniformes, pas assez fonctionnels, consommant trop de ressources naturelles, mais aussi trop chers. Empêcher la continuation de tels dysfonctionnements suppose une approche radicale, que le Jugaad peut inspirer. 

Dans le contexte ivoirien de pays émergent, la formation des jeunes entrepreneurs et des décideurs aux principes du JUGAAD indien pourrait être un atout dans la construction de la culture d’entreprenariat et de l’innovation. En effet, ses six (6) principes peuvent être adaptés à l’environnement ivoirien :

Tirer profit des contraintes : les entrepreneurs devraient découvrir de nouvelles opportunités d’affaires dans les contraintes qu’ils vivent, derrière un obstacle se cache une opportunité d’affaires.

Faire plus avec moins : Les entrepreneurs pourront développer leur innovation et la mettre au service de leur résilience. Dans un contexte comme le nôtre, c’est la capacité de l’entrepreneur à se réinventer qui fera la différence.

Être agile : Il s'agit de penser et agir de manière flexible, de telle sorte que les décideurs arriveront à mieux appréhender les situations et caractéristiques des PME et les entrepreneurs quant à eux, pourront accroitre leur résilience face aux difficultés du quotidien ou des périodes de crises et réajuster leur plan.

Faire simple : l’innovation se trouve dans la simplicité

Intégrer les exclus : C’est dire que chacun, ou toute chose à une contribution à apporter. Il faut donc rechercher l’impact des choses prises ensemble même si elles semblent inutiles individuellement. Le développement en Côte d’ivoire d’un tel concept contribuerait à réduire la pauvreté et rajouter une touche plus responsable aux modèles ivoiriens.

Écouter son intuition : ce principe est une qualité propre aux entrepreneurs, car les choix de l’entrepreneur sont faits dans un environnement d’incertitude. Ce principe peut souvent rejoindre le premier principe. C’est ce qu’illustre l’exemple de TulsiTanti, l’entrepreneur indien, qui a été confronté à un problème grave d'alimentation électrique pour son usine textile en Inde. Il a donc investi dans deux éoliennes qui ont entièrement alimenté son usine. Motivé par son succès, il constate que 44 % des indiens sont privés d'électricité. Il a donc l'idée de créer Sulzon Energy en 1995. La société est aujourd'hui le cinquième plus gros fournisseur mondial d'énergie éolienne et emploie 13 000 personnes, sur six continents.

2.2. Le Kaïzen japonais. 

L’étymologie japonaise du mot Kaizen reflète sa finalité :

 - Kai signifie changement

 - Zen signifie bon, mieux

Le Kaïzen peut donc est traduit comme un changement positif et continu. C’est une technique japonaise d'amélioration continue de la qualité ou de perfectionnement du processus de fabrication. Conformément à Masaaki Imai, fondateur du Kaizen, cette philosophie s'appuie sur des solutions simples et "bon marché", basées sur le bon sens du personnel, et sur la persistance de toutes les personnes impliquées à avoir à l'esprit l'idée de combattre toutes les pertes (étapes sans valeur ajoutée) et à les éliminer.

C'est une démarche graduelle et douce qui s'oppose au concept plus occidental de réforme brutale dont les effets néfastes sont aujourd’hui plus que décrier par de nombreux spécialistes et chefs d’entreprises. Un des objectifs du Kaizen est de répondre aux contraintes du marché. Il est aussi fort bien adaptable au contexte des dirigeants des PME ivoiriennes dont plusieurs vivent de l’autofinancement au quotidien ainsi que de l’auto-organisation et ont besoin d’être formé à des pratiques managériales progressives et opposées aux thérapies de choc. (Extrait de Kaizen principe de l’amélioration continue  ; de ADPME 2006/2007)

Dans les conclusions et recommandations de la note de synthèse de la conférence à Abidjan du prof. Keijiro OTSUKA, il est souligné qu’« Au stade de développement actuel de la Côte d’Ivoire, il est recommandé de commencer avec des industries à forte intensité de main-d’œuvre, (fabrications de chaussures, transformation des métaux et certaines industries de transformation des aliments par exemple). Les industries à forte intensité de connaissances peuvent être développées, mais ne profiteront qu'à un petit nombre de personnes très instruites. La pratique du Kaizen est fondamentale et constitue une première étape nécessaire à l'industrialisation de la Côte d'Ivoire, car les entreprises qui pratiquent le Kaizen sont plus promptes à innover, ce qui contribue au développement de clusters dynamiques  »[1].

2.3. La théorie de l'effectuation. 

Au début des années 2000, Sarasvathy une chercheuse américaine a mis en évidence un mécanisme quasiment opposé à la conception classique de l’entreprenariat qu’elle a nommé l’effectuation. La chercheuse américaine propose alors une autre approche dans laquelle être entrepreneur repose sur un ensemble de décisions dynamiques qui impliquent de multiples interactions et que l’entrepreneur-décideur doit assumer. [2]

Dans l’effectuation, logique de pensée des entrepreneurs experts, l’auteur Philippe Silberzahn, soutien que cette théorie présente deux ruptures par rapport à la conception commune de l’entrepreneuriat : 

Les créateurs d’entreprise agissent selon une démarche «effectuale», autrement dit, ils partent des ressources, de ce qu’ils ont sous la main, pour passer à l’acte. Leur mode de fonctionnement n’est pas « causal ». 

L’opportunité d’affaires n’est pas préexistante, démontre. L’action de l’entrepreneur peut faire évoluer son environnement et créer le marché dont il a besoin.

En outre, cette théorie est soutenue par les cinq principes d’action entrepreneuriale selon Sarasvathy

► « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ».  

La stratégie classique du business modèle consiste à définir des buts pour ensuite trouver les ressources nécessaires à leur accomplissement. Cette approche est dite « causale », car on cherche les causes (moyens) permettant d’obtenir un effet attendu et défini préalablement. Le principe de l’effectuation recommande aux entrepreneurs de partir au contraire des moyens à leur disposition pour définir de nouveaux buts. 

► « Perte acceptable ». 

Alors que la stratégie classique demande de prendre des décisions sur la base d’un retour attendu que l’on doit estimer, avec l’effectuation, les entrepreneurs raisonnent en termes de perte acceptable. Ils essaient quelque chose en sachant ce qu’ils peuvent perdre au pire, et ils savent qu’ils peuvent se permettre cette perte. 

► « Patchwork fou ».  

Alors que l’analyse concurrentielle est l’un des piliers de la démarche stratégique, dans la mesure où elle permet de s’insérer dans la structure de l’industrie au sein de laquelle on se lance, ce principe préconise aux entrepreneurs de s’intéresser plus à la création de partenariats avec différents types d’acteurs (parties prenantes) afin de « co-construire » l’avenir ensemble.

► « Limonade ».  

Ce principe recommande aux entrepreneurs d’accueillir les surprises ponctuant leur parcours favorablement et d’en tirer parti, alors que la planification stratégique de l’approche classique a pour but d’éviter celles-ci.

► « Pilote dans l’avion ». 

Ces principes conduisent à passer d’une logique de prédiction (essayer de deviner le marché) à une logique de contrôle (l’inventer). La stratégie classique repose sur l’axiome suivant : “Dans la mesure où nous pouvons prévoir l’avenir, nous pouvons le contrôler .” L’effectuation inverse cette logique en postulant que “ dans la mesure où nous pouvons contrôler l’avenir, nous n’avons plus besoin de le prévoir.” Derrière cette logique de contrôle se dessine une vision créatrice de l’entrepreneuriat, selon laquelle le rôle de l’entrepreneur est de créer de nouveaux univers, et non de découvrir les univers préexistants. 

Notons que dans l’environnement ivoirien où l’information fiable et actualisée est pratiquement inexistante et où les jeunes entrepreneurs ont peu de moyens pour réaliser des études de marché destinées à alimenter leur business plan, le principe de l’effectuation a du sens. D’autant que lors de nos entretiens avec les entrepreneurs dans le cadre de cette étude, nous avons constaté que peu d’entrepreneurs ont réellement utilisé leur business plan. En résumé, on pourrait dire que l’effectuation est une attitude de l’entrepreneur qui lui demande d’être sans cesse en éveil et en action de manière à saisir toutes les opportunités de marché et de rencontres sur le chemin. C’est une sorte de construction, voire de co-construction dans l’action en lien total avec le contexte et l’environnement. 

2.4. Les facilités fiscales : exemples Sénégalais et Mauricien

Il a été prouvé que la phase des cinq (05) premières années de vie d’une entreprise est la plus sensible car elle représente la phase de lancement où elle est encore fragile et dégage des revenus relativement faibles pour faire face aux dépenses. Le poids de la fiscalité sur les entreprises au cours de cette période peut être fatal pour elles alors que la faillite d’un nombre trop important d’entreprises naissantes peut réduire à long terme l’assiette fiscale. La protection de ces jeunes entités doit être l’affaire de nos États africains. C’est justement ce qu’a compris le Sénégal, en révisant son mécanisme d’exonération des petites et moyennes entreprises à la recherche d’un modèle d’affaires plus stable. En effet le Sénégal a décidé de trois ans d’exonérations d’impôts sur les sociétés (IMF) et de cotisations liées à la Contribution forfaitaire à la charge des employeurs (CFCE) à compter de la date de création de l’entreprise. 

Une telle politique peut avoir un double effet : l’incitation des acteurs de l’informel à intégrer l’économie formelle et l’augmentation significative du nombre de jeunes entreprises passant le cap des trois (03) premières années. De plus la mise en place des facilités supplémentaires au-delà de cette première phase peut aider les entreprises à consolider leurs acquis des trois (03) premières années.

L’ile Maurice quant à elle a fortement reformé son économie et plus particulièrement sa fiscalité. En effet, depuis 2002, à travers les différents modèles d'investissement à l'ile Maurice, les taux d’imposition ont été plus simplifiés avec un taux fixe et unique de 15 % supprimant ainsi le principe de double imposition. Ainsi un revenu ne peut être imposé qu'une seule fois : si vous avez perçu 100 en tant que professionnel (Impôt des sociétés), c'est même 100 ne seront pas à nouveau taxé de 15 % lorsqu'ils seront perçus à titre personnel (Impôt sur le Revenu). 

2.5. Le modèle Suisse et Allemand 

Les cas allemand et suisse présentent bien des atouts dont peut s’inspirer la Côte d’Ivoire. 

D’abord les PME suisses enregistrent des records de croissance et de compétitivité depuis plusieurs années. Ce bilan positif est dû à différents facteurs. 

Le premier est le fait que l’entrepreneuriat est vu comme un privilège en Suisse. A contrario, selon l’étude « Petits entrepreneurs de Côte-d’Ivoire - étude socio-économique d'un milieu professionnel »,  le statut d’entrepreneur a été longtemps mal perçu par les Ivoiriens, alors que la possibilité de s'épanouir personnellement est le principal motif poussant les suisses à reprendre ou à créer une entreprise, loin devant l'attractivité financière. 

Un autre des facteurs de succès des PME suisses est la qualité des ressources humaines qui est étroitement liée aux performances du système éducatif suisse avec sa clé de voute qu’est l’apprentissage. En effet selon l’édition 2013 d’une étude coréalisée par le Crédit Suisse et l’université de st Gallen dénommée « Facteurs de succès pour PME suisses 2013 » , les PME désignent à nouveau les collaborateurs hautement qualifiés de piliers essentiels du succès. 

Cela confirme une fois de plus le poids considérable du capital humain dans une économie pauvre en ressources primaires telle que la Suisse.

Pour ce qui concerne le succès de l’Allemagne, première économie européenne, l’on peut affirmer qu’il existe de nombreux facteurs qui ont été à la base de la croissance des entreprises et de l’industrie allemandes. 

En premier, le mercantilisme de l’Allemagne est une stratégie économique efficace qui pallie le déficit démographique. En effet, cette puissante exportatrice présente dans les entreprises allemandes et les politiques des Ländersoffrent aux industries du pays un large marché de consommation en dépit de la faiblesse de la population locale. Il faut donc que l’Etat ivoirien puisse s’inspirer de cet exemple pour définir un cadre institutionnel d’accompagnement des PME ivoiriennes à la conquête de la sous-région, de l’Afrique et même du monde, car le marché local ivoirien à lui seul ne peut pas permettre la pérennité de tous les champions nationaux que veut construire le pays.

En second lieu, se place le Mittelstand. Essayiste Jacqueline Hénard, dans sa synthèse critique intitulée « L’Allemagne : un modèle, mais pour qui ? » relève qu’il s’agit d’un tissu d’entreprises familiales, de taille moyenne. Ce sont des sociétés pour la plupart familiales avec un mode de gouvernance orienté sur le long terme. La force du Mittelstand se fonde sur la capacité de ses entreprises à répondre, par des produits très spécialisés et innovants, à une demande mondiale de machines-outils et de biens d’équipement professionnels.

Enfin, les puissantes fédérations de PME allemandes constituent le socle du développement et l’amélioration continue de l’environnement allemand des affaires. Comme le modèle économique allemand repose sur l’autonomie ou la responsabilité des acteurs, les pouvoirs publics se contentent de fixer un cadre général pour l’activité (et l’intérêt général). Pour faire valoir leurs intérêts particuliers légitimes, les acteurs économiques s’auto-organisent au sein de fédérations. Certaines sont les partenaires établis des gouvernements avec lesquels ils définissent conjointement les politiques économiques et sociales. La plupart des entreprises allemandes s’affilient volontiers car elles y trouvent conseil, expertise et défense de leurs intérêts. Ces fédérations jouent un rôle primordial dans la définition des politiques étant donné que ce sont elles qui sont et font la mémoire collective des branches ou secteurs comme des dossiers afférents. Faisant valoir leurs points de vue dans les débats précédant les prises de décisions politiques, elles constituent donc un puissant appui pour les entreprises. (Extrait de « Les PME allemandes Une compétitivité à dimension sociale et humaine » de Isabelle Bourgeois et René Lasserre)

S’inspirer du modèle allemand peut permettre à l’écosystème ivoirien de se doter de fédérations plus structurées qui prendraient la place qui est la leur dans le processus de construction des champions nationaux. Ceci ne peut se faire que si ces fédérations évoluent dans un environnement de transparence dépourvu de corruption.

 

II. NOS PRINCIPALES RECOMMANDATIONS POUR SAUVER LES PETITES ENTREPRISES DANS LEURS PREMIÈRES ANNÉES D’EXISTENCE

Ces recommandations sont inspirées des propositions des enquêtés, des recommandations trouvées dans la littérature et des analyses d’Audace institut Afrique en tant qu’acteur de la liberté économique. 

Nous représentons ci-dessous les dix (10) principales recommandations de l’Etude :

1. Acquérir des compétences managériales et approfondir les connaissances techniques et sectorielles

La formation et le renforcement des capacités constituant des besoins majeurs des PME, il faut impérativement la mise en œuvre de programme d’enseignement à l’échelle nationale pour soutenir et accompagner les entrepreneurs dans la construction de leur culture managériale. Au-delà, les jeunes doivent réaliser des stages au sein d’entreprises pour mieux comprendre le fonctionnement et pourquoi pas commencer comme intra preneur, au sein d’une structure pour apprendre le concret avant de se lancer à leur propre compte. 

2. Recourir à des structures de conseil en gestion ou à des Centres de Gestions agréés (CGA) 

Ces structures peuvent jouer un rôle primordial si elles sont soutenues et subventionnées par l’Etat. En effet, avoir la possibilité de recourir à un CGA et à moindre coût, pour un entrepreneur débutant ne disposant pas de connaissance en gestion, constitue une bouffée d’oxygène car cela lui permet de se focaliser sur ce qui constitue l’essentiel pour lui c’est-à-dire le développement de ses produits et services. Nous recommandons un financement et/ou une subvention de ces structures afin que n’importe quel entrepreneur qui souhaite être accompagné puisse l’être dès lors qu’il est déclaré et ce à moindre coût.

3. Commencer « là où vous-êtes et tirer le maximum de ce que vous savez » 

Dans un pays comme le nôtre et comme le préconise la théorie de l’effectuation, il est capital pour les entrepreneurs d’accepter de commencer petit avec les ressources dont ils disposent en tenant compte de toutes les faiblesses du contexte ivoirien en termes de liberté économique. Il est important de souligner que c’est l’’action de l’entrepreneur qui peut faire évoluer son environnement et créer le marché dont il a besoin. L’opportunité d’affaires n’est pas forcement préexistante, c’est la capacité de l’entrepreneur à tirer profit des ressources en sa possession qui créée l’opportunité d’affaires. Ainsi cette approche loin d’être une antithèse de la théorie classique, est la démarche la plus adaptée au contexte de pays en développement, où les entrepreneurs peinent à trouver des ressources. Elle préconise une approche dynamique, l’entrepreneur construit sa culture entrepreneuriale à partir de sa propre expérience sur le terrain en lieu et place d’une étude de marché ou d’un business plan qui lui couterait plus cher et qu’il appliquerait difficilement. Commencer là où vous-êtes et tirer le maximum de ce que vous avez !

4. Mettre l’accent sur la qualité et l’innovation et développer un réseau dynamique de relations 

L’objectif d’un projet entrepreneurial doit être avant tout de répondre à un besoin, mais pas que. Il faut répondre de la meilleure des façons !  Au-delà de tous ces renforcements de capacités et de tous les appuis, si l’entreprise ne fait pas des produits ou des services de qualité « désirable » ou ne répond pas à un besoin réel alors, elle n’a aucune chance de survivre. A ce sujet les entrepreneurs ont la possibilité de protéger leurs innovations, mais également de profiter gratuitement d’innovations dont les brevets de protection sont arrivés à expiration et qui sont donc désormais libres. Pour cela il suffit de se rapprocher de l’Office Africain de la Propriété Intellectuelle (OAPI) qui a un bureau local à Abidjan.

5. Construire une culture entrepreneuriale ivoirienne en l’intégrant au système éducatif et en posant les bases d’une véritable liberté économique 

 Il faut changer la perception de l’entrepreneuriat qu’ont les Ivoiriens. Il faut valoriser un entrepreneuriat adapté à la réalité du pays et ce très tôt dans le système éducatif. Le système doit clairement définir que être entrepreneur (créateur d’entreprise ou chef d’entreprise) après l’école peut être une issue intéressante et surtout il faudrait donner les moyens aux étudiants afin qu’ils puissent faire ce choix par vocation ou par passion et non par contrainte.

La notion d’industrie locale doit également être au cœur de notre système éducatif, avec un accent particulier sur les secteurs qui constituent les piliers de développement de l’Etat.  L’école ivoirienne doit aider les jeunes qui le souhaitent, à transformer leur environnement et à contribuer à la construction d’une économie plus forte par l’émergence d’un important tissu de PME locales.

Par ailleurs il est primordial de souligner que l’efficacité de ces actions dépendra de la capacité de l’Etat Ivoirien à garantir une véritable liberté économique dans l’environnement entrepreneurial, car un entrepreneur, même bien formé, survivra difficilement dans un environnement sans liberté économique. Notons que la Côte d’Ivoire accuse des scores qui témoignent de la nécessité d’améliorer le contexte.

6. Redéfinir la stratégie globale de promotion de l’entrepreneuriat de l’Etat

L’Etat ivoirien a fait d’important effort pour soutenir les jeunes entreprises par la mise en place de nombreux programmes et dispositifs d’accompagnement. Cependant ces programmes sont dispersés entre plusieurs acteurs dont le champ d’intervention n’est pas clairement défini. Ainsi leurs actions manquent de synergie et leurs impacts restent encore insignifiants ou contradictoires. C’est pourquoi nous recommandons une définition d’une stratégie plus globale, plus cohérente et plus inclusive qui serait exécutée par une seule structure, en l’occurrence par l’agence Côte d’Ivoire PME dont l’action serait régulièrement contrôlée, suivie et évaluée afin de déterminer son impact. Il faut, pour cela, disposer d’un mécanisme de suivi rigoureux, permettant de mesurer la pertinence des mesures mises en œuvre, et d’adapter continuellement les actions. Un important travail d’adaptation des mesures aux réalités locales est nécessaire au risque de mener des actions sans résultat probant juste pour « cocher des cases ». La définition d’une telle stratégie nécessite de faire une synthèse de ce qui a déjà été fait, de recenser tous les acteurs qui composent l’écosystème entrepreneuriale (y compris les PME et les startups) et leurs besoins. Enfin, nous recommandons à l’État d’étendre ses actions d’accompagnement en faveur d’autres régions comme Yamoussoukro, Bouaké, Korhogo, Man, San Pedro.

Par ailleurs, nous recommandons également une meilleure organisation et un accompagnement plus soutenu de l’action des structures d’encadrement et de soutien des PME et des Startups.

En effet, aujourd’hui il est évident que ces acteurs ont un rôle primordial à jouer dans la promotion de l’entrepreneuriat en Côte d’Ivoire. C’est pourquoi, il ne faut pas les oublier. Il faut au contraire leur donner une place de choix dans la stratégie globale de l’État, étant donné le déficit de compétence managériale de nombreux entrepreneurs. Il faut donc les recenser, les organiser par domaine de compétence et les accompagner afin de garantir plus d’efficacité dans leurs actions auprès des entrepreneurs.

Enfin, nous recommandons également la définition d’une réelle stratégie de collecte de données, du traitement et de la mise à disposition d’informations générales et sectorielles. Il faut penser des plateformes de DATA centralisées, fiables, actualisées en ligne et mise à jour régulièrement

7. Lutter activement contre la corruption et le manque de transparence dans toutes les actions de l’Etat 

L’Etat ivoirien ne parviendra à construire un puissant réseau de PME qu’en luttant activement contre certains fléaux qui minent la vie économique, notamment la corruption sous toutes ses formes, la lenteur ou la lourdeur de l’administration et le manque de transparence dans la communication sur les droits et obligations des PME pour ne citer que ceux-là. 

A ce sujet, nous recommandons d’une part, aux entrepreneurs ivoiriens débutants de prendre en compte la dimension de corruption dans la construction de leur modèle d’affaires car, tant qu’il ne sera pas éradiqué de notre environnement, il faudra composer avec ce fléau en trouvant les voies et moyens pour s’adapter ou le contourner tout en ayant la volonté de participer à son éradication. 

D’autre part, une généralisation de l’approche Guinéenne en Côte d’Ivoire garantirait une plus grande transparence, ouvrirait le jeu de la concurrence et donnerait leur chance à tous les entrepreneurs sans aucune distinction. En effet le gouvernement guinéen vient de mettre en place de nouvelles dispositions de bonne gouvernance dans l’attribution des marchés publics, en faisant signer à tous les membres du gouvernement un contrat de performance les obligeant eux et leurs familles ainsi que tous les directeurs et chefs de service de l’administration publique à ne plus compétir à des appels d’offre pour des marchés publics. Désormais « Que ce soit un ministre ou autres directeurs qui à sa femme ou son fils dans les activités, non seulement cette société n’aura pas de contrat mais ce dernier sera sanctionné… Quelqu’un qui est douanier ne peut pas avoir sa femme transitaire, aucun ministre ne doit avoir sa femme dans les affaires  »[3]Il s’agit d’une véritable lutte contre les conflits d’intérêts et le favoritisme qui foisonnent dans l’environnement des affaires de nos pays.

8. Promouvoir une approche Start-up and Grow 

Selon les données du Doing Business, sur ces huit (08) dernières années, l’État ivoirien a fait d’énormes progrès au niveau des formalités de création d’entreprise. Cependant, pour ce qui concerne l’accompagnement et l’encadrement des jeunes entreprises dans leur croissance, beaucoup restent à faire. C’est pourquoi nous recommandons l’approche Start and Grow-up par la mise en place d’un mécanisme d’exonération fiscale, d’encouragement ou d’accompagnement des jeunes entrepreneurs. Cette approche préconise donc un soutien et accompagnement des entreprises naissantes au-delà des facilités de création, par la définition d’une politique d’encadrement au cours de leurs premières années et ce jusqu’à ce qu’elles se dotent d’un modèle d’affaire plus stable et viable.

Il faut noter que les recettes fiscales constituent plus de 90% des recettes publiques de l’État ivoirien. Réduire son assiette fiscale peut être une mesure difficile à prendre car elle aurait un impact sur les revenus de l’État. Cependant, un encadrement, un soutien et une exonération des jeunes entreprises et des startups par l’État dès leur création, à l’image de ce qui se fait au Sénégal, leur permettrait de franchir le cap très critique des premières années, d’accroitre ainsi l’assiette fiscale et de garantir des revenus plus importants à l’État sur le long terme. Alors que des taxes trop élevées et trop tôt n’assureraient que des revenus éphémères sur le court terme car elles étouffent très vite les jeunes entreprises, qui pour la plupart sont toujours à la recherche d’un modèle d’affaires stable et ce qui les contraint à regagner le secteur informel.

9. Faciliter l’accès aux financements classiques et promouvoir les sources de financement alternatives

Selon de nombreuses études, l’accès aux financements constitue le premier besoin des PME juste avant le besoin de forcement des capacités managériales et techniques, c’est dire combien l’accès aux financements reste un sujet important pour la survie des jeunes entreprises. 

A ce sujet, de nombreuses initiatives, dont l’objet est de mobiliser les acteurs du système financier afin de mener la réflexion sur l’accompagnement des Petites et moyennes entreprises (PME), ont vu le jour. Ce sont notamment le programme comme « La Finance s’engage »  ou encore le cadre de partenariat mis en place par l’agence Côte d’Ivoire PME avec les acteurs du secteur financier. 

Mais des actions plus concrètes doivent être mise en place :

►  Créer un climat de confiance entre les acteurs financiers les entrepreneurs ivoiriens par, entre autres, l’élaboration de capsules de sensibilisation portant sur l’éducation financière, le fonctionnement du système financier et sur les facteurs clés à prendre en compte pour obtenir un financement.

►  Mettre en place des programmes d’accompagnement et coaching en vue d’améliorer ce qui constitue les véritables freins à l’octroi des financements au PME et autres Startups. Il faut donc aller au-delà du problème de financement, il faut comprendre les besoins de l’entrepreneur, le soutenir, le coacher l’accompagner. Il faut donc multiplier les programmes de mentorat comme le fait la CGECI Académie ou encore le nouveau programme mis en place par la Mansa Banque et le groupe Voodoo communication.

►  Les banques et autres établissements financiers, souhaitant accroître leurs engagements en faveur des petites entreprises, devraient mieux former leurs équipes à l’évaluation du risque des PME, en prenant en compte les spécificités des différents secteurs, et leurs clients afin de mieux adapter leurs offres à l’environnement ivoirien. 

►  L’Etat, à travers ses différents programmes, devrait mettre en place un fonds de soutien et de garanties pour soutenir le financement et adapter les taux d’intérêts aux réalités des PME à l’image de ce qui a été fait pendant la crise de la COVID-19. Il faut également mettre en place un mécanisme qui combinerait le financement et l’accompagnement afin que les entrepreneurs puissent avoir le temps de faire fructifier l’argent avant le début des échéances de remboursement. 

  L’Etat doit définir un cadre règlementaire plus favorable au financement des PME, et participer à la promotion et à la vulgarisation d’autres sources de financements comme le crowdfunding ou le financement participatif. Pour cela, des plateformes pourraient être mises en place pour faciliter le crowdfunding en sécurité.

10. Faciliter la mise en place de fédérations plus consensuelles et regroupant les PME par secteur d’activité  

Les fédérations, si elles sont bien organisées et si elles occupent la place qui est la leur, peuvent jouer un rôle très décisif dans la définition de la politique et des actions de l’Etat à l’endroit des entreprises. De plus, ces fédérations peuvent être de véritables centres de compétences et d’expertise sectorielle du fait de leur organisation par secteur d’activité et peuvent permettre la création d’un cadre de réflexion sur les problématiques et les enjeux de chaque secteur. Un tel dispositif ne peut qu’encourager l’État à privilégier l’approche sectorielle dans la définition de ses actions comme cela est le cas pour l’Allemagne que nous avons exposé plus haut.

 

Une étude réalisée par Audace Institut Afrique avec le soutien de Network for a free society
 

Pour lire la suite, télécharger le PDF :


[1] Pour plus de détails sur ce concept, lire l’édition spéciale 01/2020 de la Lettre de politique économique de la CAPEC. 

[2] Extrait de l’incertitude entrepreneuriale et la théorie de l’effectuation : le cas  LOGIPERF

[3] Propos du Professeur Alpha Condé, Président de la République de Guinée, Source : RTG 

 

 

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